Une histoire transnationale du commandement et de l’autorité.
Le positionnement des foules se déclarant "sans leader" qui émergent aujourd’hui en de nombreux points du monde est en rupture complète avec l’idée qui a dominé le xxe siècle, selon laquelle "les hommes en foule ne sauraient se passer de maître" (Gustave Le Bon, 1895). C’est cette idée qui structure l’histoire du xxe siècle d’un besoin naturel de chef, cette préoccupation qui n’a pas encore son histoire, qu’Yves Cohen a voulu investir. Le Siècle des chefs offre une vaste fresque internationale de la montée de la figure du chef au xxe siècle en France, en Allemagne, en Union soviétique et aux États-Unis – la fascination pour le commandement et le culte du chef ont été des phénomènes nazis, fascistes et staliniens, mais aussi libéraux.
Pourquoi la figure du chef a-t-elle pris une telle ampleur à partir de la fin du xixe siècle, d’abord dans les pays les plus développés avant de s’étendre au monde ? Comment la préoccupation pour le commandement est-elle passée d’un domaine à l’autre, de l’industrie à la politique, de la politique à la guerre, etc. ? Comment les formes et le vocabulaire en étaient nationaux et en même temps transnationaux ? De quelle manière la démocratie s’est-elle confrontée au chef sous toutes ses formes ? Quelles techniques les chefs, les leaders, les Führer, les vojdia, ont-ils développées pour se faire obéir des groupes et des foules ? Et quel a été le rôle des sciences sociales, en particulier de la psychologie et de la sociologie, dans l’affirmation du chef ? Voici quelques-unes des questions auxquelles ce livre se confronte. Il parcourt pour ce faire les littératures profanes et spécialisées sur le commandement jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Son étude se centre aussi sur les pratiques : des ingénieurs et directeurs d’usine en France et en Union soviétique dans leur activité de commandement à Staline dans son action de chef jusqu’aux massacres de masse d