La première vocation de Melville (1819-1891) fut poétique. Lorsqu'il entrepend son oeuvre romanesque, il l'envisage comme une entreprise strictement professionnelle, comme le fut sa vie maritime. Ses romans deviendront de plus en plus personnels et poétiques, à partir de La Vareuse Blanche et de Redburn, et suite aux relatifs échecs commerciaux qui s'affirment. Il est un lieu commun aujourd'hui de voir en Moby Dick et Pierre où les ambiguïtés de grands poèmes en prose. D'ailleurs, sa prose est parfois émaillée de poème, comme Redburn et Billy Budd. On sait aussi, notamment grâce à Charles Olson, le caractère shakespearien de l'opus melvillien : il y a, de plus, ces surprenants chapitres de Moby Dick conçus comme des poèmes dramatiques en prose.
D'échec en échec, de celui de Moby Dick à celui plus cuisant encore de Pierre, Melville décide de se retirer dans les "terres" (gestion combien symbolique pour ce marin) et de se consacrer exclusivement à l'oeuvre poétique qu'il porte en lui, en vers cette fois. Naîtront, essentiellement Clarel et son ultime recueil poétique, Timoléon, en 1891. Tout l'univers de Melville traverse ce dernier livre, achevé, la mer, les mythologies qui le hantent, sa connaissance de l'humaine nature, Hawthorne, l'exil et la mort. Melville est là, rude, allégorique, à l'ombre de Pan, humain, assumant " en guerrier ", en sage en exil, ses contradictions, civilisé et sauvage - ses rêves toujours d'une humanité réconciliée, à l'ombre des arbres, des portiques, dans l'effort, par l'art avant tout, par ses propres vertus et déchirements, et l'écho de la mer, héroïsmes, défaites et solitudes marines.
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